L'approche de genre et les rapports sociaux de sexe
L'approche de genre est l'analyse des rapports sociaux entre les femmes et les hommes.
Elle repose sur une vision de société où femmes et hommes sont égaux.
Elle propose des outils d'analyse pour aborder les résistances que rencontre cette vision égalitaire.
Il s'agit de comprendre les rapports sociaux encore inégalitaires aujourd'hui - la construction socioculturelle des rôles féminins et masculins et leur hiérarchisation- d'expliquer le social par le social pour en finir avec le fatalisme et le discours naturaliste.
Elle repose sur une vision de société où femmes et hommes sont égaux.
Elle propose des outils d'analyse pour aborder les résistances que rencontre cette vision égalitaire.
Il s'agit de comprendre les rapports sociaux encore inégalitaires aujourd'hui - la construction socioculturelle des rôles féminins et masculins et leur hiérarchisation- d'expliquer le social par le social pour en finir avec le fatalisme et le discours naturaliste.
L'ANALYSE DE GENRE
Depuis la plus tendre enfance, des valeurs nous sont inculquées, et leur spécificité sexuelle est extrêmement marquée.
Les concepts de féminité et de masculinité sont bien connus et forment une bonne part de notre manière de voir le monde. Il est simple de définir tel ou telle individu-e en fonction de critères établis solidement dans notre inconscient. On peut voir chaque jour ces mécanismes à l’œuvre, organisant la catégorisation des personnes selon deux modèles : l’homme « masculin » et la femme « féminine ». Mais on dit aussi que telle femme n’est pas « féminine » ou que tel homme est « efféminé ». La répartition n’est donc pas aussi simple qu’on pourrait le croire. Que cachent donc les concepts de masculinité et de féminité, et s’ils ne sont pas exclusivement d’ordre biologique, comme on peut déjà le soupçonner, comment sont-ils développés ou ancrés chez les individu-es ? Comment sont-ils impliqués dans la domination masculine et la construction des inégalités entre hommes et femmes ?
Avant…et à la naissanceLe garçon a longtemps été le plus attendu lors de la naissance, pour des raisons économiques (travail aux champs, héritage, chef de famille…) ou de pure fierté parentale.
L’attente des parents en ce qui concerne leurs propres enfants diffère en fonction de leur sexe, l’enfant qu’il soit garçon ou fille réagira donc en fonction des attentes et des demandes parentales dès le premier instant où ils se trouvent dans leurs bras.
Il existe de nombreux lieux communs quant à la coquetterie, la propreté, la douceur… des petites filles, ou la vivacité, l’agressivité, la débrouillardise… des petits garçons.
Les parents vont souvent donner à l’enfant, selon qu’il soit fille ou garçon, un espace différencié de vie (sa chambre) correspondant à son sexe (couleurs, décoration, objets fragiles ou non, formes des objets……)
Pour le garçon, il ne s’agit plus de briguer les valeurs dites féminines, comme la sensibilité, la passivité (« un petit garçon ne pleure pas », « ne te laisse pas faire »…), mais d’apprendre à ne pas perdre la face, à masquer ses sentiments et de développer vivacité, agressivité, et débrouillardise… Le garçon est autorisé à être hypertonique…..
Pour la fille, c’est la recherche des valeurs dites féminine: la coquetterie, la propreté, la douceur… la fille doit être calme et sage… et si elle pleure, c’est parce qu’elle est une fille !!!!
C’est ainsi que dès ses premiers pas dans la vie, l’enfant est guidé vers les valeurs dominantes et attendues de son sexe biologique, et que l’intégration des stéréotypes masculins et féminins se fait.
Bienvenue dans le sexe social !!
La famille, premier carcanLe modèle-même de la famille détient une place primordiale au sein de l’identification de l’enfant: cette première image des rôles masculins et féminins est déterminante pour l’enfant, qui voudra les reproduire.
Si l’intégration du modèle du couple comme norme sociale des relations hommes-femmes est dominante, la famille apporte immédiatement des schémas incroyablement forts de représentation des rôles masculins et féminins.
On sait l’importance que joue l’imitation des parents dans le développement d’un enfant, et, même si la situation n’est jamais la même d’une famille à l’autre, l’environnement familial reste quand même un facteur essentiel de reproduction et de pérennisation des rôles hommes-femmes. Les femmes s’occupent encore à 80% de l’entretien du foyer et des soins aux enfants et à la famille.
Les jouets : « Dînette contre jeux d’aventures », les livres pour enfants : supports d’identificationLa période de Noël est révélatrice de la spécialisation sexuelle des jouets. Des pages bleues et roses des catalogues, aux rayonnages des grands magasins, on se rend vite compte de la répartition tranchée des jeux en deux catégories exclusives l’une de l’autre.
On invite systématiquement les petites filles à faire comme maman : dînettes, poupées, appareils ménagers en réduction, panoplies d’infirmière -pas de médecin-, d’hôtesse de l’air -pas de pilote-, coffrets de maquillage… les prédestinant à leur futur rôle de mère, d’épouse, de séductrice, et contrôlant leur ambition professionnelle….
On invite les petits garçons à s’imaginer marin, physicien, pilote de course, chevalier… Pour ces derniers, il ne s’agit pas d’être comme papa, mais plus viril que papa. Les jeux de garçon sont liés à la guerre, la découverte, l’aventure, la compétition -d’inspiration sportive ou non, l’action, l’agressivité, la domination par la force ou la technique…
Toutes ces valeurs sont non seulement celles véhiculées par la classe masculine, mais aussi par la société occidentale en général. Les filles reconnaissent donc ces valeurs comme étant à la fois masculines mais aussi dominantes socialement : elles rêvent de trains électriques, de petits soldats…, plus que leurs frères de poupées, dînettes ou d’aspirateurs miniatures.
De même, les modèles différenciés et hiérarchisés du masculin et féminin sont véhiculés de manière prédominante dans la littérature destinée aux enfants.
Les albums jeunesse, qui sont un matériel pédagogique et un support privilégié du processus d’identification, d’apprentissage des rôles sexués et des rapports sociaux de sexe, donnent souvent une représentation de la réalité plus stéréotypée que la réalité elle-même, sans tenir compte de son évolution, plus particulièrement concernant les rôles associés aux filles et aux femmes.
Ces valeurs érigées en normes provoquent une double aliénation :
Pour les femmes comme les hommes, les stéréotypes dans lesquels doivent se mouler les comportements et les attitudes ne sont justement que cela, des stéréotypes : or personne ne peut être pleinement un archétype. Qu’il s’agisse du sur-mâle viril et sûr de lui ou de la femme-objet incarnation parfaite de la féminité, on ne peut exister en tant que stéréotype.
Naît ainsi une première aliénation liée à la violence qu’il y a à se construire à partir de normes tout en ne pouvant jamais s’y conformer totalement (quel gouffre entre la vraie vie et les idéaux de l’aventure ou de l’action, pour les garçons, par exemple !).
La deuxième aliénation tient dans la subordination des valeurs féminines aux valeurs masculines dominantes socialement. C’est l’un des mécanismes fondamentaux de la domination masculine : la reconnaissance, donc l’existence sociale, des femmes est subordonnée au regard, à l’assentiment de la gent masculine.
L’école : loin d’être neutreC’est à l’école, antichambre socialisatrice des futurs adultes que les inégalités sociales sont déjà mises en place et anticipées.
Marie Duru-Bellat précise dans son ouvrage "Les inégalités sociales à l’école Génèse et mythes" : « comme tout individu engagé dans une interaction sociale, les enseignant-es abordent leurs élèves avec des attentes stéréotypées ; en l’occurrence ils tendent à prévoir des succès inégaux, chez les élèves garçons et filles, dans les disciplines connotées sexuellement »
Des études montrent que dès l’école primaire, les maîtres passent plus de temps en maths avec les garçons et en lecture avec les filles, et que les garçons ont plus de difficultés avérées en lecture quand les maîtres en sont convaincus que dans le cas contraire. De même, dans les matières jugées plus masculines -les maths ou la physique-, il y a moins d’interaction et d’encouragements adressés aux filles.
A chaque instant, les filles et les garçons sont confrontées à une « sexuation » des situations, qui les renvoie à leur contrainte de féminité pour les filles: souci de l’apparence, effacement devant les garçons, docilité, douceur et politesse…à leur contrainte de masculité pour les garçons: souci de la puissance physique, occupation dominante de l'espace, autorisation à la turbulance et incitation aux jeux phyqiques....ils ont besoin de bouger et de se dépenser physiquement......
Le matraquage quotidienAu quotidien, on nous rappelle sans cesse les rôles que l’on attend de chacun-e, ce qui ancre les inégalités entre les sexes.
Le vocabulaire employé est le miroir des mentalités : n’apprend-on pas depuis le plus jeune âge que le masculin prime sur le féminin en grammaire, qu’un secrétaire est un homme de confiance et une secrétaire une dactylo, qu’un cuisinier est un cordon bleu, et une cuisinière une cantinière…
Les médias sont à l’origine de beaucoup de lieux communs et d’archétypes à partir desquels se construisent les individus. La télévision, la radio et les publicités placardées dans les rues -2 500 messages publicitaires sont reçus chaque jour par une personne vivant en Occident-, participent fortement de l’ancrage des stéréotypes masculins et féminins qui sont alors intégrés et incorporés comme des comportements innés et naturels.
Les femmes y sont encensées en tant qu’objet de désir sans défense, elles se doivent de tendre vers cet idéal artificiel et bien peu émancipateur : paraître et non pas être en tant que personne à part entière. C’est ainsi que leur statut est immédiatement subordonné à celui des hommes, car exister au travers du paraître revient à s’en remettre au regard masculin pour trouver une caution d’existence.
Les inégalités au travailAu 19ème siècle, on considérait qu’il n’était pas vital pour une femme de travailler. Pouvant compter sur homme –père, frère, mari- elle ne pouvait prétendre qu’à un salaire d’appoint. De manière « naturelle » et insidieuse, ce modèle pèse sur l’organisation du travail, l’organisation des familles et sur les salaires actuels. Il est moins important pour une femme de mener une « carrière » professionnelle puisqu’elle se « réalise » dans sa sphère familiale et privée.
De même, il ne serait pas vraiment « sérieux » pour un homme de « sacrifier sa naturelle » carrière professionnelle à la sphère familiale.
Tels sont les stéréotypes majoritairement véhiculés dans le monde du travail, sans compter sur la catégorisation sexuée des métiers.
Une sexualité norméeLes femmes sont amenées à trouver leur légitimation à travers les hommes, et plus précisément à travers celui avec qui l’existence est partagée. Ceci repose sur le mythe du Grand Amour, entretenu depuis la plus tendre enfance des femmes.
« Un jour viendra un prince charmant » résumant l’idéal d’une soi-disant nature féminine qui ne se réaliserait qu’à travers l’union avec l’homme qui lui serait destiné. Quelle aliénation ! Voir son existence et sa réalisation personnelle subordonnées à celles d’une autre personne, qui est, quant à elle, individuellement réalisée.
En opposition, c’est le figure du séducteur, du Don Juan qui aligne les « conquêtes » amoureuses qui est encensée pour les hommes, alors qu’un tel comportement est bien sûr déploré chez une femme, traitée alors de « salope », de fille de peu de vertu, car là n’est pas sa place dans l’ordre social en place.
De tels concepts amoureux ont des conséquences notables sur la construction sexuelle des individu-es. La rigidité des rôles assignés aux hommes et aux femmes conditionne en grande partie leur souffrance. Cantonner les hommes à un rôle agissant, dans le mythe du « j’assure » et les femmes à une place d’objet désirable et passif est l’un des fondements des violences sexuelles et sexistes.
Si elles ne s’expriment presque plus sous la forme de lois, qui définissaient malgré tout un espace de liberté : le légal, le permis, qui s’opposent à l’interdit, elles se perpétuent sous une forme bien plus totalitaire : les normes, qui imprègnent toute la société et ne laissent aucun espace de liberté possible. Sous couvert de libération sexuelle, c’est donc aujourd’hui la « liberté » de consommer du sexe commercialisé et stéréotypé qui est de rigueur.
Les malaises et les plaintes des femmes, dans la plupart des cas, proviennent de leur volonté de conformer leur sexualité et leurs fantasmes aux désirs masculins.
La sexualité est un phénomène entièrement culturel qui n’obéit à aucune loi biologique de renouvellement de l’espèce.
Dans une vie, combien de fois fait-on l’amour dans le but d’avoir des enfants ? Même les « instincts » sexuels ne sont que des constructions culturelles.
Dans ces conditions, comment croire qu’il existe une sexualité normale ou naturelle ? Ce sont les normes sociales qui nous conditionnent à l’hétéronorme.
Nous devrions toutes et tous nous interroger sur les carcans construits socialement qui nous inhibent et freinent le plaisir que l’on pourrait avoir avec toute personne consentante, quels que soient son sexe, sa couleur, son âge… On ne naît pas hétérosexuel, on le devient… et pas toujours !
Conclusion
Empruntons ces quelques lignes à Guillaume CARMINO dans son ouvrage Pour en finir avec le sexisme aux éditions l'Echappée: "Ces analyses de situations et phénomènes sociaux nous permettent de prendre la mesure du système qui nous enveloppe et nous détermine. L'apprentissage qui se fait par la famille, les jouets, la littérature enfantine, la publicité, les tâches ménagères ou la sexualité nous formate bien au-delà de simples carcans que l'on apposerait sur une identité prédéfinie. L'identité masculine ou féminine est bien plus qu'une simple surdétermination d'un être qui serait plus profond. Elle transpire de toute notre personnalité dans la moindre des situations: notre façon même de toucher les objets, de marcher ou de s'assoir est déterminée par notre construction genrée. Celle-ci fournit l'armature, le cadre même de notre moi, elle constitue la structure depuis laquelle on se pense et se vit. Elle est aussi le prisme duquel on perçoit la réalité."
Voilà une première approche des constructions sociales qui divisent et hiérarchisent l’humanité entre les hommes « masculins » et les femmes « féminines ». Dès lors, si l’on admet que les deux moitiés de la population mondiale subissent un apprentissage différent -apprentissage du différend ?-, comment imaginer une entente rationnelle et égalitaire entre elles sans passer par une déconstruction de ces carcans sociaux ?
LES RAPPORTS SOCIAUX DE SEXE
Si le masculin et le féminin sont construits pour chaque individu, on s'aperçoit très vite que cela construit notre perception de la réalité dans le fait que leur rapport apparait comme hiérarchisé. L'un -le masculin- est toujours la référence implicte de l'autre - le féminin- Le masculin est implicitement utilisé comme norme, le féminin s'en éloignant irrémédiablement.
Il faut alors se poser la question du rapport entre la construction différenciée des individu-es et les inégalités de sexe.
La langue française est sexisteOn apprend tout-e jeune qu'en grammaire, le masculin l'emporte sur le féminin.
Parmi une assemblée majoritairement de femmes, un seul homme nous oblige à désigner l'ensemble au masculin.
Cet englobement et assimilation du féminin au masculin, ce pouvoir, pour une partie de la société de représenter le tout, est au fondement même du pouvoir politique.
La primauté de la parole masculine -son aptitude à apparaître "neutre et universelle"- est l'un des mécanismes qui permet au masculin de servir de référence, de modèle et de prototype au genre humain.
Parler des "hommes" en les désignants êtres humains des deux sexes, établit les bases de la dominations masculine. L'homme a "confisqué" symboliquement la qualité d'être humain à son profit.
La non féminisation des métiers lorqu'ils sont exercés par des femmes fait que l'on pense naturellement à un homme lorsqu'on emploie le masculin, quand bien même celui-ci est censé désigner l'universel asexué.
Le langage conditionne dans le quotidien notre manière de percevoir le monde et nous construit à percevoir les choses telles qu'on les décrit. Le langage constitue de véritables "lunettes" par lesquelles on pense et on se représente le réel. L'assimilation du féminin par le masculin est au coeur des structures langagières du français. La hiérarchie est ici constitutive du genre grammatical. Le langage est un moyen direct de construction et de transformation du monde: les mots modifient et façonnent la perception, la personnalité et l'être des individu-es. Judith Butler parle d'un véritable "pouvoir des mots". La hiérarchie interne au genre est clairement véhiculée dans le langage quotidien. La relation linguistique du masculin au féminin est hiérarchique, elle n'est pas anodine.
L'universel masculin: Droit et politique, public et privé
Il faut alors se poser la question du rapport entre la construction différenciée des individu-es et les inégalités de sexe.
La langue française est sexisteOn apprend tout-e jeune qu'en grammaire, le masculin l'emporte sur le féminin.
Parmi une assemblée majoritairement de femmes, un seul homme nous oblige à désigner l'ensemble au masculin.
Cet englobement et assimilation du féminin au masculin, ce pouvoir, pour une partie de la société de représenter le tout, est au fondement même du pouvoir politique.
La primauté de la parole masculine -son aptitude à apparaître "neutre et universelle"- est l'un des mécanismes qui permet au masculin de servir de référence, de modèle et de prototype au genre humain.
Parler des "hommes" en les désignants êtres humains des deux sexes, établit les bases de la dominations masculine. L'homme a "confisqué" symboliquement la qualité d'être humain à son profit.
La non féminisation des métiers lorqu'ils sont exercés par des femmes fait que l'on pense naturellement à un homme lorsqu'on emploie le masculin, quand bien même celui-ci est censé désigner l'universel asexué.
Le langage conditionne dans le quotidien notre manière de percevoir le monde et nous construit à percevoir les choses telles qu'on les décrit. Le langage constitue de véritables "lunettes" par lesquelles on pense et on se représente le réel. L'assimilation du féminin par le masculin est au coeur des structures langagières du français. La hiérarchie est ici constitutive du genre grammatical. Le langage est un moyen direct de construction et de transformation du monde: les mots modifient et façonnent la perception, la personnalité et l'être des individu-es. Judith Butler parle d'un véritable "pouvoir des mots". La hiérarchie interne au genre est clairement véhiculée dans le langage quotidien. La relation linguistique du masculin au féminin est hiérarchique, elle n'est pas anodine.
L'universel masculin: Droit et politique, public et privé